Alain Jamot, "David Bowie - Le masque et la disparition"
2025 | ISBN: B0F5MXMWVN | Français | EPUB | 232 pages | 0.4 MB
2025 | ISBN: B0F5MXMWVN | Français | EPUB | 232 pages | 0.4 MB
J'écoute Bowie depuis les années 70. Et ce verbe, écouter, ne rend pas justice à ce qui s’est noué, à ce que j’ai construit avec lui, à travers lui, contre lui parfois. Ce n’était pas seulement une bande-son. C’était une pédagogie de la marge. Une manière de me tenir dans le monde sans y adhérer tout à fait. Une esthétique du décalage. Un compagnonnage à distance avec quelqu’un qui, en se transformant sans cesse, m’autorisait à ne pas choisir, à rester mouvant, à désirer autrement.
Chaque décennie de ma vie a trouvé, dans l’une de ses incarnations, une résonance particulière. Il n’était jamais là où je l’attendais, et c’est ce qui le rendait fidèle. Il me précédait toujours un peu. Quand je croyais le rattraper, il avait déjà changé. Il m’obligeait à bouger, à relancer la question. Il ne m’a jamais tenu la main. Il m’a tendu des énigmes. Des sons, des mots, des postures. Des fragments d’êtres possibles.
Ce livre, donc, lui doit tout. Non pas comme un hommage figé ou comme un monument à la gloire du passé, mais comme une tentative de prolonger, à ma manière, le geste de mouvement, de métamorphose, de collage permanent qu’il a incarné. Ce n’est pas une biographie. Ce n’est pas une analyse. Ce n’est pas un livre sur Bowie, mais un livre à partir de lui. À partir de ce qu’il m’a permis, enseigné, troublé. À partir de ce qu’il m’a ouvert — et que je n’ai jamais refermé.
Le lecteur ou la lectrice attentif.ve (wow, écriture inclusive bien moche !) y rencontrera des répétitions. C’est inévitable. C’est même nécessaire. Ce livre est fait de conférences tenues à Berlin, Paris, Genève, Zurich — autant de lieux où j’ai parlé de lui sans toujours me dire que je faisais œuvre. Chaque conférence était une tentative autonome, un élan circonstanciel, un dialogue avec un public particulier. Certaines idées reviennent, sous des formes légèrement différentes, comme des variations. Elles se superposent, se croisent, parfois se contredisent. Je n’ai pas cherché à les harmoniser, encore moins à les uniformiser. Je les ai laissé vivre comme elles sont venues : parfois nerveuses, parfois méditatives, parfois abstraites, parfois intimes. Bowie n’aurait probablement pas renié ce genre de collage stylistique. Il en aurait peut-être souri. Il aurait peut-être griffonné un vers étrange dans un carnet avant de le transformer, deux ans plus tard, en refrain cryptique.
Je n’ai pas voulu construire une thèse. Ce qui m’intéresse ici, c’est le mouvement de la pensée, la vibration de la mémoire, les glissements entre les formes. Il n’y a pas de plan caché, pas de ligne directrice rigide. Il y a des points d’entrée, des boucles, des retours. Comme dans une chanson de Bowie, où le sens se forme par accumulation, par éclats, par collision d’images plus que par déploiement logique. Ce livre est un assemblage. Une constellation. Un réseau de tensions. Il est traversé par des obsessions, des questions qui me hantent depuis longtemps et que la figure de Bowie ne résout pas mais ravive : qu’est-ce qu’être soi ? Peut-on devenir sans se trahir ? Faut-il choisir entre le fond et la forme ? L’art peut-il sauver quelque chose, quelqu’un, ou seulement retarder l’effondrement ? À quoi bon continuer à créer dans un monde saturé d’images, de récits, de bruit ?
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